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Notre ouvreur, Dylan Chuat, s'attaque à un 9b cet hiver

Il semble inarrêtable.

Un an après sa rupture de poulie*, Dylan Chuat n’en finit plus de gagner du niveau. En avril dernier, pour son come-back après sa blessure, il nous faisait frémir dans Action Directe*. Solide, le garçon. Surtout qu'on sentait qu’il avait de la marge.

Et en effet, de retour de ses vacances dans le Frankenjura, le grimpeur a plié les uns après les autres projets locaux et ceux pas trop loin. Du 8c+, du 9a, du 9a+, des first ascents*. Il est donc plus que temps que Dylan Chuat se lance maintenant dans du dur "pour de vrai".

Âgé de 22 ans, Dylan Chuat travaille comme ouvreur* chez Grimper.ch. Et cet hiver, c'est en Espagne qu'il va garer son van, avec en ligne de mire Fight or Flight.

 

Parle-nous de Fight or Flight. C’est où, c’est quoi, pourquoi c’est dur ?

Fight or Flight, c’est à Oliana, en Espagne, un 9b qui réunit toutes les qualités à avoir en tant que grimpeur. C’est hyper complet comme effort, dans un style qu’on pourrait qualifier d’universel. La particularité de cette voie, aussi, c’est qu’elle est super compliquée au niveau des conditions. Du coup c’est vraiment ambitieux de me projeter dedans. Mais je suis aussi ouvert à d’autres projets, j’attends de voir sur place comment ça se passe.

Comment on se prépare à un tel projet ?

Ces derniers mois, j’ai suivi un entraînement spécial. J’ai aussi reçu beaucoup d’informations de la part d’autres grimpeurs, notamment de Cédric Lachat. Et puis j’ai étudié le run* d’enchaînement d’Adam Ondra* et j’ai chronométré combien de temps il mettait du début du run au repos et j’ai essayé d’adapter mon entraînement.

Alors ça consiste en quoi exactement ton entraînement ?

J’essaie de faire du long sur le pan*, principalement à la salle de Villeneuve. Je fais des entraînements spécifiques pour pusher mon niveau de force max et en parallèle je fais beaucoup de conti*. Le but c’est que je réussisse à tenir mon niveau max plus longtemps parce que cette voie c’est un effort intense mais quand même en rési*.

    C’est quoi ta semaine type ?

    Alors ça dépend vraiment des périodes et de mes objectifs. Ces derniers mois, le lundi je travaille à l’ouverture* et en plus j’entraîne le Centre régional*. Souvent c’est suffisant pour la journée. Le mardi, j’ouvre à Lausanne-Beaulieu et après j’essaie de faire du physique et de la kilterboard*. Le mercredi, je fais du gainage et des suspensions. Le jeudi, je fais du pan le matin en no foot pour repousser mon niveau de force max et le soir je fais de la rési et de la conti. Le vendredi c’est repos et normalement le samedi et le dimanche, je suis en falaise.

    A l’heure actuelle, six grimpeurs ont topé* Fight or Flight, chacun a utilisé une méthode différente, tu sais déjà laquelle tu vas utiliser ? Tu as déjà répété les mouvs ?

    C’est dur de se rendre compte de ce qui va marcher ou pas. J'ai pris beaucoup d'informations auprès de grimpeurs qui sont déjà allés dedans. Je pense beaucoup à cette voie, même si je peux pas dire que je la connais par cœur. Je connais les sections clés. Ce que je visualise surtout, le soir avant de m’endormir, c’est le dernier jump et là je me vois gueuler en arrivant au relais.

    La cotation 9b, ça représente quoi pour toi ?

    Ce serait tout à fait énorme, et en même tant c’est pas tant la cota qui compte que le fait que c’est la première voie dans laquelle je m’investis autant. Je me lance dans un projet que je suis pas sûr de réussir. Et en plus tout ne dépend pas que de moi mais aussi beaucoup des conditions. En fait, je suis hyper pressé de réussir une voie dans laquelle je me suis hyper investi. J’ai peur de ne pas y arriver cette année, de devoir attendre un an pour pouvoir retenter.

    Pourquoi tu as choisi cette voie en particulier ?

    J’avais envie de faire une voie de référence, un 9b dont la cotation est établie et ne sera pas contestée par la suite. Et mon objectif après, ce serait d’agir en Suisse et d’ouvrir des voies dures.

    Tu as déjà des idées de voies que tu voudrais ouvrir ?

    J’ai déjà des projets en tête pour après, notamment au Salève, chez moi, où il y a des trucs super durs. Pour moi, Fight or Flight, c’est le premier gros projet d’une longue série. J’aimerais aussi avoir le temps de m’investir à Céüse*. Et puis je voudrais pouvoir retourner à Flatanger* et faire Nordic Marathon (9b/+) que Seb Bouin* a enchaînée en 2022. Ça c’est typiquement le genre d’effort que je kiffe.

    Tu travailles comme ouvreur chez Grimper.ch, qu’est-ce que ça t’apporte ?

    Je ne pense pas que j’aurais pu partir en Espagne cet hiver sans le soutien de Grimper.ch. C’est vraiment une belle chance pour moi. Daniel et Martin Rebetez sont des passionnés d’escalade avant d’être [les administrateurs du groupe Grimper.ch] et ils comprennent. Quand je leur ai présenté mon idée de Fight or Flight, ils ont tout de suite approuvé et m’ont proposé de me soutenir dans mon projet. J’ai la chance d’avoir de la flexibilité dans mon travail, de pouvoir partir plusieurs mois.

    Est-ce que ton activité d’ouvreur chez Grimper.ch te sert dans ta vie de grimpeur ? Et inversement ?

    Je crois que ma grimpe apporte pas mal à mes ouvertures. Plus tu grimpes, plus tu as d’idées, un répertoire de mouvements dans lequel tu peux puiser pour créer de nouveaux blocs. Et puis il y a aussi mes années compétition qui apportent pas mal. Être ouvreur chez Grimper.ch, ça me permet de gagner ma vie dans quelque chose qui est ma passion. Par contre, ça demande beaucoup de gestion, notamment au niveau de la peau et de l’énergie. Une journée d’ouverture, c’est une journée physiquement dure à gérer.
    Sinon, j’ouvre de tout, dans tous les niveaux et tous les styles. On dit en général de mes blocs qu’ils sont durs par rapport à la cote alors j’essaie de faire très attention. Je fais des choses assez new school, ça saute souvent dans tous les sens. J’aime bien aussi ouvrir des blocs complexes dans lesquels il faut chercher les méthodes. Il y a des fois où je fais des trucs géniaux et puis des fois, ça ne marche pas du tout !

      Tu es champion de Suisse de difficulté 2021 et 2022 mais on ne te voit plus en compétition, tu as complètement arrêté ?

      C’est impossible de concilier le caillou et la résine quand on n’est pas pro. J’ai pas assez d’énergie pour travailler et faire de la compète et de la falaise. Mais ça me botte toujours, surtout que je suis beaucoup plus fort que quand j’ai arrêté. Du coup ça m’interroge. Je me demande ce que je donnerais si je reprenais.

      Tu as encore des points faibles ?

      Si je devais identifier une faiblesse à l’heure actuelle, je dirais que c’est les mouvements hyper blocs.

       

      Juste pour rire et donner une idée, tu sais combien tu possèdes de cordes et de paires de chaussons ?

      Ohlala ! C’est ouf. Pour ce qui est des paires des chaussons j’en ai 5 ou 6 mais j'en consomme pas mal. La corde, j’en ai deux ou trois… parce que j’ai défoncé toutes les autres ! Mais en fait, c’est dur à dire parce que les falaises de chez nous sont assez courtes donc je peux couper mes cordes au fur et à mesure et les faire durer plus longtemps. Mais quand je suis allé à Flatanger, en un mois, j’ai fumé deux cordes de 80m.

       

       

      Le petit lexique pour tout mieux comprendre:

      • rupture de poulie : blessure au doigt qui touche particulièrement les grimpeurs.ses
      • Action Directe : c'est le premier 9a de l'histoire, libéré par Wolfgang Güllich en 1991
      • first ascent : première ascension d'une voie
      • ouvreur.se/ouverture : les ouvreurs.ses, qui font de l'ouverture, sont ceux.elles qui vissent les prises sur les murs des salles pour créer des problèmes plus ou moins insolvables. Ce sont aussi ceux.elles qui ouvrent des lignes en falaise et posent des points.
      • Cédric Lachat : grimpeur légendaire suisse
      • Adam Ondra : grimpeur légendaire également mais tchèque
      • run : tentative dans une voie
      • pan : mur incliné couvert de prises de toutes les formes sur lequel les grimpeurs.ses peuvent créer leurs propres mouvements
      • conti : capacité à grimper longtemps sans exploser, notamment en gérant la montée d'acide lactique dans les avant-bras
      • rési : capacité à continuer à avancer sans repos alors que l'acide lactique s'est déjà emparé des avant-bras
      • Centre régional d'escalade sportive de Romandie centrale : c'est le groupe de jeunes espoirs de l'escalade de Romandie
      • kilterboard : même principe que le pan mais avec des prises qui s'éclairent grâce au bluetooth du téléphone pour former des problèmes
      • toper une voie : arriver en haut sans être tombé ni s'être assis dans la corde
      • Céüse : spot mythique situé en France
      • Flatanger : spot mythique situé en Norvège où se trouve le premier 9c (grimpé par Adam Ondra)
      • Seb Bouin : grimpeur légendaire mais français, celui-là

      Quand il étend ses ailes, Dylan a plus d'envergure qu'un albatros

       

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